La
Sûreté de Monsieur Munongo |
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par Jean-Pierre Sonck | ||||||||||||||||
Avant l'indépendance du Congo, la Sûreté coloniale,
dont l'administrateur en chef était le col BEM VANDEWALLE, avait
dans ses attributions la recherche et l'interprétation et la diffusion
de renseignements intéressant la sûreté de l'état
à titre préventif, ainsi que l'immigration et l'identification.
Elle collaborait avec la Police, la Force Publique, les services des belges
ou étrangers de sécurité et les services des Affaires
indigènes et des Affaires politiques de l'administration coloniale
à Léopoldville. L'administration centrale de la Sûreté
disposait de bureaux détachés dans chacune des six provinces
et chacun de ces |
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bureaux
disposaient de postes dans certaines localités d’intérêts
économique ou stratégique, tel Shinkolobwe ou Kolwezi. Après
la mutinerie du camp Massart, les troupes belges intervinrent à
Elisabethville et le président TSHOMBE créa l’état
indépendant du Katanga le 11 juillet 1960. |
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L’armée
fut rebaptisée Gendarmerie Katangaise et le ministre de l’Intérieur
Godefroid MUNONGO entreprit d’assurer la sécurité
du nouvel état. La Police fut confiée à SAPWE PIUS
et la Sûreté provinciale, qui était jusqu'alors dirigée
par le sous-directeur Fernand RENARD, devint "Administration Générale
de la Sûreté katangaise". Elle fut confiée à
Dominique DIUR, un Lunda né en 1929 qui avait suivi un stage de
six mois à la Sûreté belge avec d'autres Congolais
qui s'y étaient quelque peu familiarisé avec la paperasserie
bureaucratique et la lecture des fiches de renseignements. Mais le ministre
de l’Intérieur avait un second candidat : son beau-frère
Jérôme DISASE, ancien auxiliaire médical d’origine
Bayeke que le hasard des équilibres politiques et des liens familiaux
avait destiné au métier du renseignement. Il avait également
suivi un stage en Belgique et il remplaça Dominique DIUR quelques
jours plus tard à la tête de la Sûreté. Il fut
secondé par l'administrateur-adjoint Paul PANDAKUFWA et par Jean-Gualbert
KIKONDE dont il fit son secrétaire.
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Photo
prise en juillet 1961 à E'ville avec les principaux acteurs chargés
de la sécurité du Katanga : le ministre de l'Intérieur
Munongo et Raphaël Mumba, le commissaire en chef Sapwe Pius, le général
Moke et Jérôme Disase.
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Plusieurs
anciens de la Sûreté coloniale, spécialistes en matière
de sécurité d'état, furent recrutés en Belgique
et rejoignirent le Katanga avec le comte d'ASPREMONT LYNDEN. En décembre
1960, une deuxième campagne de recrutement de conseillers fut lancée
en Belgique et parmi les candidats retenus pour conseiller Jérôme
DISASE se trouvait André LOUWAGIE, ancien sous-directeur de la
Sûreté provinciale du Kivu, rendu disponible suite aux évènements.
Il semblait l’homme idéal, car il remplissait les conditions
de grade et d'ancienneté et il fut convoqué en premier,
rue des Petits Carmes. Après avoir signé son contrat, il
reçu son billet d'avion pour rejoindre l’aérogare
de la Luano à Elisabethville, où il débarqua du Boeing
de la Sabena le 10 décembre 1960. |
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Le
lendemain, Jérôme DISASE accueillit André LOUWAGIE
qui devait l’assister dans sa tâche et le chargea de former
un service efficace. La Sûreté katangaise conserva les attributions
de la Sûreté coloniale et poursuivit sa collaboration avec
les Forces Armées et la Police, tandis que les liens établis
avec certains services de sécurité étrangers furent
renforcés. Le stage que Jérôme DISASE avait suivi
en Belgique lui fut utile, mais il apprécia beaucoup les conseils
d’André LOUWAGIE qui avait une expérience de treize
années dans le domaine du renseignement. La Sûreté
katangaise avait hérité de l'époque coloniale un
fichier bien rempli sur tous les opposants politiques et particulièrement
sur les partisans de Patrice LUMUMBA et de Jason SENDWE, ennemis du Katanga.
Il y avait ceux qui habitaient les communes indigènes des grands
centres urbains, mais les plus dangereux étaient les Baluba qui
peuplaient les agglomérations du Nord Katanga où la rébellion
faisait rage. |
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Document J-P
Sonck. |
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Grâce
à ce fichier, plusieurs individus dangereux furent arrêtés
à Elisabethville, dont Célestin MUTOMBO qui dirigeait une
section d'espionnage dans la commune Kenya et Georges ODIMBA, chef propagandiste
du MNC/L à la Katuba, tandis que d'autres prenaient la fuite pour
éviter l'arrestation. A la Luano, trois équipes d'agents
de la Sûreté furent détachés à tour
de rôle au bureau de l'Immigration de l'aérogare et elles
s’occupèrent du contrôle des passagers à chaque
arrivée d'avion. Cela donnait suite à un déroulement
de formalités qui comprenait l'examen des passeports, la fouille
des bagages et la saisie des journaux et imprimés subversifs trouvés
en possession des voyageurs. Les Congolais porteurs d'une carte du MNC/L
étaient particulièrement visés, tel Ferdinand TUMBA,
secrétaire général BBK, proche de LUMUMBA, arrêté
à la Luano le 11 février 1961, ainsi que les personnes reprises
sur une liste d'indésirables.
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Malheureusement,
le Katanga intéressa également des trafiquants et des escrocs
de tous genres, qui arrivèrent à Elisabethville et proposèrent
aux ministres des affaires mirobolantes. En 1961, la Sûreté
étendait sa toile sur tout le pays et lorsque la Gendarmerie reconquit
le nord du Katanga, des postes détachés furent ouverts à
Luena et à Manono. Après les combats de septembre 1961 contre
les casques bleus, elle dut également se charger de surveiller
les agents de l’ONU dont le but était de se renseigner sur
les forces dont le Katanga disposait. Ce fut particulièrement important
à Kolwezi où les agents des Nations Unies s’intéressaient
à l’aviation katangaise dont le Fouga leur avait causé
tant de torts. La Sûreté katangaise disparut à la
fin de la sécession et fut remplacée par la Sûreté
Nationale du gouvernement de Léopoldville qui ouvrit la chasse
aux partisans de Moïse TSHOMBE.
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L'administration
de la Sûreté katangaise, rattachée cabinet du ministère
de l'Intérieur, n'avait pas de rôle répressif et sa
mission était essentiellement d'informer le ministre Godefroid
MUNONGO sur les événements pouvant influencer la situation
dans le pays. C'était au Parquet de juger l'opportunité
de poursuites, par exemple en matière de propagande subversive
ou de sabotage et c'était la Police ou le SRR qui se chargeait
des arrestations éventuelles. |
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Jean-Pierre Sonck | ||||||||||||||||
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